Historique (1000 mots minimum)
À parler tout seul à des horaires aussi tardifs, il en avait un peu perdu sa sage retenue et versait parfois dans des blagues assez puériles, du genre de celles où il faut nécessairement avoir consommé quelque chose. Malheureusement, ça gâchait aussi ce qu’il était en train de faire et bien souvent, il dut effacer son enregistrement pour le reprendre à zéro. Que penseraient ses auditeurs s’ils le voyaient ainsi, lui qui avait la réputation d’être d’un sérieux inébranlable ? Un instant, il s’arrêta en se demandant si quelqu’un riait de bon cœur à ses tentatives d’humour un peu poussives, mais le silence lui confirma qu’il avait eu un léger moment d’hallucination. Dans un désert infini, un homme rêverait d’eau. Un togruta rêverait de compagnie.
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Vous devriez aller vous coucher” proposa doucement une voix mélodieuse qui lui rappelait tant chez lui. Adossée au chambranle, elle l’observait depuis dix bonnes minutes déjà durant lesquelles elle avait attendu de trouver la brèche où glisser ses paroles. Habituellement, elle n’aimait pas l’interrompre dans ses élans de créativité, trouvant ça fort malpoli. Enimeni avait une très grande estime pour le chevalier, exacerbée par leur appartenance à la même espèce. Mais ce soir, c’est en tant que parente qu’elle s’adressait à lui, oubliant volontairement d’y mettre les formes.
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C’est votre troisième nuit blanche successive.” Susurra-t-elle en s'approchant lentement pour ramasser les feuilles volantes qui traînaient dans la pièce. Vikram aimait travailler en tailleur à même le sol, mais ça lui occasionnait un long moment de paralysie lorsqu’il dépliait ses jambes ensuite et il en devenait incapable de marcher. Elle l’aida à se relever, maintenant tant bien que mal son aîné plus lourd qu’elle jusqu’à sa couche où il s’y effondra comme un cadavre lesté de briques coulerait au fond d’un étang de Nal Hutta.
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Il faut que je finisse mon rapport sur Voss” bredouilla l’alien dans un bâillement qui se voulait pourtant contestataire, les yeux mi-clos et brouillés par des larmes de fatigue tellement épuisées de poindre qu’elles rechignaient à couler sur sa peau. Puis sans même se changer, il bascula sur le flanc et cala sa main derrière sa tête pour s'endormir. Très vite, il sentit ses yeux balayer de droite à gauche sous ses paupières, signe qu’il avait atteint un sommeil profond. Enimeni resta un moment à l’observer. Cependant, un léger ronronnement vint la rassurer ...
I - Cesrho, la Jedi manquéeL’histoire de Vikram débute bien avant sa naissance en 5335 BY. En effet, son destin s’est forgé au contact des siens dont certains étaient promis à de grandes choses. Chez sa famille, au-delà d’une certaine affinité avec la Force et d’une paisible existence subsistait un lien étroit avec l’Ordre Jedi et ce dernier se tissa sur plusieurs générations pour finalement devenir aussi inextricable qu’un nœud gordien. Son clan était depuis longtemps un interlocuteur privilégié avec les chevaliers venus d’ailleurs, ce qui lui valut parfois des ennuis en interne puisque tous n’étaient pas disposés à laisser leur progéniture s’en aller. Ce fut le cas de Cesrho, certainement la plus puissante d’entre eux, qui renonça à devenir apprentie sur demande de ses parents qui refusèrent de laisser leur seul enfant les quitter. Le plus dur pour elle, au-delà d'une foule de projets soudain réduite à peau de chagrin, fut tout de même d'accepter de se séparer d'E’kem Moss, un padawan dont elle resta éprise toute sa vie durant. Mais la vie suivant son cours, elle se maria à Mubraak Zershel, un tisserand de talent et eut une descendance prolifique. Aucun de ses enfants ne se montra sensitif et elle pensa bien souvent que Mubraak avait annihilé ses gènes, ce qui l’attrista profondément. Mais quand son ainée eu elle-même des enfants, l’espoir revint : la petite Nehsre était aussi prometteuse qu’elle dans sa jeunesse. Cesrho décida alors de lui enseigner ce qu’elle-même avait appris de façon purement autodidacte afin de réveiller l’immense potentiel que sa descendante semblait détenir. Nehsre était agile et vive comme un petit singe en plus de posséder quelques capacités télékinésiques étonnantes pour son âge. Elle avait tué son premier Akul à neuf ans en le précipitant dans le vide et comme le voulait la tradition, fait sertir ses dents sur ses mantrals en signe de trophée, chose qui ne manqua pas d’impressionner les autres membres de sa nation.
II - L'apprenti inattenduDe tous les petits togrutas sensitifs, rares furent ceux qui osaient franchir le pas de quitter leur monde natal et plus rares encore ceux qui concrétisaient réellement leur engagement au sein de l'Ordre. Nehsre ne tarda pas à fuguer pour rentrer chez elle, souffrant d'être éloignée des siens. Son sentiment fut certainement exacerbé dans un premier temps par le fait qu'elle ne trouva pas de camarade de son espèce avec lequel se remémorer Shili, puis plus tard parce que le Code Jedi s'avéra en contradiction avec sa propre conception des choses.
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Je ne suis pas prête à mettre ma vie au service des autres !" Tenta-t-elle en vain de justifier auprès de Cesrho qui se montra si atterrée par ce nouvel échec qu'elle s'enfonça dans une profonde mélancolie. Un jour d'orage où le vent hurlait comme un chœur de damnés qui s’amusaient à claquer les tentures, un petit se glissa au-dehors et affronta les éléments pour rejoindre la cabane où elle s'était retirée. Il frappa à sa porte à plusieurs reprises avant qu'elle daigne lui ouvrir. A la mine surprise que fit sa grand-mère, il pensa qu'elle l'avait pris pour Nehsre à qui elle n'adressait plus la parole. Elle l'invita à entrer et le couvrit de toutes les couvertures qu'elle trouva, versant de l'eau chaude dans une bassine pour qu'il y trempe ses orteils frigorifiés.
"Grand-mère, tu aurais voulu être Jedi ?" Demanda-t-il en jouant à tapoter la surface de l'eau avec ses pieds. Elle lui répondit par une moue amère et jeta un regard attristé au-dehors. Avoir un pouvoir comme le sien et ne pas l'utiliser, ce devait être frustrant. Lui, il comprenait un peu ce qu'elle pouvait ressentir malgré que dans son cas, son problème était surtout lié à sa maladresse légendaire qui faisait toujours tout capoter même lorsqu'il voulait s'appliquer. C'était son super-pouvoir, de toujours trouver un moyen inattendu d'échouer. Rien que la fois où il avait libéré un Akul d'un piège en trébuchant sur une corde ... Mais peut importe, il ne se décourageait pas pour autant et à cette idée, esquissa un grand sourire.
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Je le deviendrais pour toi !" Dit-il fièrement.
Contre toute attente, Ceshro tenta de l’en dissuader, considérant qu’il n’était pas … d’une trempe adaptée à cette voie, tout en s’efforçant d’employer des termes neutres afin de ne pas remuer le couteau dans la plaie quant au fait qu’il était le roi des godichons. Mais le môme avait depuis bien longtemps compensé son manque de dextérité par une grande ténacité. C’est d’ailleurs pourquoi on le surnommait “la tique” car il s’accrochait à ses projets avec la même obstination que l’indésirable sur ses proies.
En 5331 BBY c’est un Vikram Zeshel tout juste âgé de onze moussons qui quitte le monde qui l’a vu naître pour devenir apprenti. Si la solitude et l’éloignement le plongent au début dans une profonde mélancolie, il est pourtant fermement décidé à honorer sa promesse. Une fois la barrière de la langue abolie après un apprentissage accéléré du Basic, il développe des amitiés avec d’autres sensitifs de sa promotion et devient très vite le “bon copain’ du groupe.
IV - La première marche : PadawanSix ans plus tard, il est choisi comme padawan par Ixarr Tul, une Chagrien assez austère connue pour sa méthode de formation beaucoup plus éprouvante et exigeante que celle de ses pairs. D'ailleurs, elle avait poussé plus de candidats à la démission qu'elle n'en avait fait chevaliers. Ce qui l’intéresse, c’est de voir ce que vaut le petit Vikram une fois tout seul face au danger, lui qui a tendance à coopérer pour surmonter les difficultés. Malgré leurs personnalités aux antipodes, ils créèrent une sorte de complémentarité, Vikram apportant de la souplesse à ses jugements parfois trop manichéens là où Ixarr lui appris à se satisfaire de la routine et à savourer chaque petit rituel dès que la possibilité se présentait, partant du postulat que "demain, tu ne le pourras peut-être pas". C’est elle qui l’aiguille sur la voie de l’autonomie qui lui semblait le mieux correspondre à sa personnalité au combat, d’où son choix d’apprendre une majorité de techniques lui permettant de survivre dans un environnement hostile tout en étant gravement blessé. Il mettra d’ailleurs ces capacités à rude épreuve en accompagnant son maître -alors à la recherche de l’Holocron d’un Jedi exilé à la suite d’un ancien schisme dont on lui toucha brièvement quelques mots- lorsqu’un tir de pistolet blaster zabrak lui perfora presque le poumon.
Heureusement, son quotidien est plus paisible. À force de se porter volontaire à chaque inventaire des bibliothèques de l’Ordre, il attrape le virus de la lecture. Très porté sur l’étude des langues, il passe le plus clair de son temps à essayer de communiquer avec tous les peuples qu’il croise. Habitué à prendre énormément de notes, c’est son Maître qui lui suggère la première de mieux les organiser. Sa première œuvre est un manuel de Togru, qu’il déclina d’abord en Huttese (appréciant d'entonner des chansons de cantina sans jamais avouer réellement y traîner parfois ses guêtres) et Vieux Corellien avant de s’atteler à des dialectes plus rares.
IV - La reconnaissance : ChevalierC’est sans surprise qu’il devint chevalier non pas à l'issue d'un coup d'éclat, mais lorsque son maître et le Conseil jugèrent que mentalement plus que physiquement, il était prêt. Le padawan s'était surtout distingué pour son application soigneuse de la doctrine et dans sa foi inébranlable en le Code qu’il transmettait via sa constante bonne humeur à ses pairs pour lesquels il était toujours une oreille attentive dans les moments de doute. Cette nomination, il ne la fêta que lorsqu'il revit enfin les siens après presque une décennie d'absence. Là-bas, il put renouer un instant avec la couleur et l'ivresse que la vie civile lui réservait, mais su retrouver le chemin de ses engagements sans qu'on ne doive le lui rappeler et sans une once de regrets. Après tout, il était allé bien plus loin que ce qu’on ne l’aurait imaginé et l’étincelle qu’il fit naître dans les yeux de Ceshro valait plus qu’un cargo rempli à ras-bord de crédits.
Le Grand OeuvreRecensant énormément d’us et coutumes glanés au cours de ses voyages, Vikram les condensa dans un immense manuel de plusieurs volumes dont la rédaction l’occupa pendant des années. Les premiers tomes, qu’il publia dans un premier temps sous un nom d’emprunt, devinrent incontournables dans le domaine de la diplomatie où et trouvèrent leur place sur bien des bibliothèques. Quant aux profits qu’il en tira, il s’en servit pour investir dans un éclaireur de classe Vaya et multiplier les voyages, et envoya le restant à sa famille.
Bien que personne ne fit réellement de lien entre les deux évènements, son intérêt soudain pour la réalisation d’un grand œuvre qui dépasserait tout ce qu'il avait créé jusqu'alors acheva de faire son chemin dans sa caboche quelques mois après le départ d’une de ses homologues. Lasse de tourner en rond comme un fauve en cage, il jeta son dévolu sur un projet d’une envergure sans précédent, une encyclopédie recensant un état des lieux les plus exhaustifs possible de la galaxie connue telle qu’elle était pour ses contemporains, et telle qu’elle avait été. Une tâche irréalisable, il lui fallait bien ça pour s’occuper l’esprit pendant le restant de ses jours. Devant l'étendue de son investissement, il fut nommé Maître et bien que l'honneur qu'il en tira était satisfaisant, ce n'était pas ce qu'il recherchait. Il réalisa qu'avec le temps, le travail devenait le seul moyen efficace pour chasser ses idées noires et, comme tout remède, il augmenta les doses pour répondre au phénomène d’accoutumance. Pire encore, dormir lui donnait maintenant l’impression de perdre du temps et il sympathisa avec sa nouvelle amie l’insomnie. Le cafstim lui était devenu indispensable pour avoir un cerveau opérationnel la journée, mais sa peau terne et ses valises ne mentaient pas sur son hygiène de vie déplorable.
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Maître, que faites-vous ?” Demanda doucement Enimeni en s’appuyant contre le chambranle de la porte. Une sensation de déjà vu s’empara de l'interpellé. Elle était toujours là à veiller sur lui, fait plutôt surprenant étant donné qu'en tant qu'aîné et tuteur, c'était à lui que cette tâche incombait.
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Je travaille mon discours” marmonna-t-il avant de se rendre compte qu’il avait perdu le fil de ses notes. Il feuilleta nerveusement ses piles de feuilles afin de se remémorer ce qu’il avait déjà fait, se retenant de râler. En tendant la main à tâtons pour saisir son thermos, il constata que ce dernier était vide et eut un long soupir venu du coeur.
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Vous devriez vous reposer. Cela fait bientôt huit jours que vous n’avez pas dormi et votre état s’en ressent : vous êtes fébrile.”
La padawan n’osait pas confier avec franchise son inquiétude à son mentor qui était déjà assez à fleur de peau pour ne pas qu’elle en rajoute une couche car dans un sens, elle comprenait l’engouement qu’il avait pour ce qui allait être le projet de toute une vie, dont elle devinait à la façon qu’il avait d’en parler qu’il mettait des majuscules à Grand et à Œuvre. Mais la fin ne justifiait pas les moyens et sacrifier sa santé pour une telle création, aussi primordiale soit-elle, lui était inconcevable. D’autant qu’elle doutait des raisons qui le motivaient réellement, bien qu’il eût toujours nié être mu par autre chose que l’amour du savoir.
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Les doyens s'inquiètent de votre état. Ce que vous faites est dangereux pour votre santé."
À ces mots, Vikram eut un soubresaut d’agacement et se plongea plus encore dans son brouillon, grattant presque le papier avec son stylet dans un crissement affreux. “
Ils disent que si je continue, ils me forceront à faire une cure, c’est ça ?” Dit-t-il, visiblement amer. "
Je sais qu'il se marmonne dans les couloirs que je vis comme un reclus et sombre doucement dans la folie, mais je vais très bien, tu pourras le leur dire."
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Comprenez-les. Pour eux, voir quelqu’un d’aussi stable faire défaut est inquiétant. Ils craignent que vous commettiez une erreur par excès de fatigue et qu’elle puisse fatalement entamer votre foi en le dogme… Si ce n’est déjà fait. Il faut vraiment que vous acceptiez de prendre quelques mois pour rattraper votre dette de sommeil.” En parlant, elle s’était approchée de lui pour venir à sa hauteur et poser une main sur son épaule, cherchant son regard avec ses grands yeux dorés qu’il fuit en inclinant la tête vers le bas.
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Vous savez, vous êtes quelqu’un de formidable. Mais peut être qu’à trop écouter les autres, vous vous en êtes oublié n’est-ce pas ? Avez-vous déjà évacué des émotions, ne serait-ce qu’une fois depuis votre formation ?”
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La stabilité est nécessaire à la maîtrise de soi.” Récita-t-il avant qu’elle ne l'interrompt. “
Écoutez, avec tout le respect que je lui dois et dont je ne ferais pas preuve, votre attachement pour uen personne aussi inconsidérée pour vous est presque masochiste.” Elle désigna le cliché qu’il avait ressorti pour le disposer sur son bureau. Habituellement, il le cachait sous sa natte, mais s’il devait demeurer une seule chose de leur relation, s’il s’était autorisé à conserver un seul souvenir, c’était bien cette image de leur lune de miel dans un décor paradisiaque. Leur chambre surplombait une cascade et le vent venait projeter une fine bruine sur leurs visages dès lors qu’ils regardaient tous deux les vastes étendues luxuriantes, accoudés côte à côte au balcon. En fermant les yeux, il sentait encore l’odeur de la végétation humide.
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Au départ, je ne voyais aucun rapport entre vous deux, mais votre … Fâcheuse tendance à vous noyer de travail coïncide peu ou prou avec son départ. Vous êtes mon oncle, la seule famille que j’ai ici, j’ai besoin de vous ! Et vous voir vous faire du mal ainsi… Ça me rend folle !”
Mais Vikram ne l’écoutait plus, il venait de mettre le doigt dans le terrible engrenage de la nostalgie, un fin sourire béat aux lèvres. Agacée, elle essaya de saisir le cliché mais il l’en défendit en attrapant fermement sa main pour lui jeter un regard d’une dureté inhabituelle.
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Avise-toi d’oublier encore une fois où est ta place et tu auras de mes nouvelles.” Cingla-t-il.
Ce soir-là, un froid s’instaura entre les deux compatriotes et loin de vouloir arranger les choses, Maître Zeshel décida de demander une dérogation afin qu’Enimeni puisse changer de mentor, faisant valoir qu’il n’était plus en état d’assurer sa formation. Entre temps, elle fut gravement blessée sur Mustafar et malgré qu’elle doive la vie à l’intervention de son ancien maître, elle n'en a pas oublié la façon dont il l'a traitée et demeure profondément heurtée. Enimeni refuse de lui adresser la parole, allant jusqu'à ignorer sa présence, d'autant que ses récents changements d'attitude fotn qu'elle peine à trouver un maître qui veuille d'elle. Mais ce que Vikram prend pour un simple différent -sans percevoir l'impact que son rejet à eut sur sa protégée- ne l'empêche pas de la visiter aussi souvent que possible durant sa convalescence, d'autant qu'il en profite pour apporter des fleurs à un certain wroonien du nom d'Alyvan Chaldren, avec lequel il avait longuement collaboré par le passé.